La Renaissance louisianaise. C’était le titre d’un journal hebdomadaire qui se proclamait « l’organe des populations franco-américaines du Sud » ; entre 1861 et 1871, cette publication a partagé des œuvres en tout genre, écrites en français par des Louisianais. Malheureusement, comme tous les magazines du XIXe siècle, sa distribution s’arrête, après à peine une décennie d’activité.
Suite aux nombreux changements qui interviennent après la Guerre de Sécession et aux bouleversements politiques et sociaux qui illustrent la période de Reconstruction, la langue française se retire peu à peu de la sphère publique et l’anglais devient la lingua franca de facto du Nouveau Sud. Le dernier journal de langue française, L’Abeille de la Nouvelle-Orléans, cesse sa publication en 1923, presque un siècle après sa première parution. Depuis, la Renaissance Louisianaise et tous les différents journaux en français parus depuis les années 1700 en Louisiane, semblaient appartenir à un passé multilingue, à jamais révolu.
Contre toute attente, cent ans après L’Abeille, et plus d’un siècle après la publication du dernier roman louisianais écrit en français, la trilogie Les Quarteronnes de la Nouvelle-Orléans par Sidonie de La Houssaye, dont le premier tome est paru en 2006 aux Éditions Tintamarre (presse universitaire du Centenary College à Shreveport), marquait le retour en Louisiane d’une production littéraire en français.
L’éditeur a déjà publié plusieurs livres cette année, entre rééditions et œuvres nouvelles. En janvier dernier sort Les Rafales du Carême, un roman de Zachary Richard, musicien renommé et premier poète lauréat de la Louisiane francophone. L’intrigue se déroule dans son village natal de Scott, où un meurtre vient d’être commis ; sur fond d’enquête criminelle, Richard met en exergue les enjeux de ce qui est peut-être la période la plus turbulente de l’histoire de la Louisiane. En mars, Tintamarre publie un second roman, à mi-chemin entre les aventures de Sherlock Holmes et les récits fantastiques de Lovecraft : Auguste Poitevin : un aventurier français à la Nouvelle-Orléans, de Gérard Dôle, qui raconte les aventures d’un détective au service du général Benjamin Butler lors de l’occupation de la ville. Fin juin, l’éditeur présente un troisième titre, La Tentation d’Odala, d’Alix Lecomte ; Le Drac du Meschacébé, un roman pour adolescents écrit par Rich Paul Cooper, paraîtra prochainement.
Comme pour faire écho à une si longue absence, à un si grand silence, les auteurs louisianais, à l’instar de Zachary Richard, témoignent d’un engouement sans précédent pour la production littéraire, comme canal de transmission de la culture et de la langue française de Louisiane, page après page. Fidèles à leur engagement de « défendre et illustrer la francophonie louisianaise », les Éditions Tintamarre lanceront un concours de littérature cette année encore, à l’ image de celui organisé il y a deux ans, qui avait donné lieu à la publication des Contes merveilleux en 2023. À l’issue du concours, la maison d’édition publiera un nouveau recueil de contes modernes en français, sélectionnés parmi l’ensemble des contributions, toutes soumises par des auteurs louisianais.
On ne sait pas de quoi demain sera fait, mais pour que ce renouvellement d’intérêt littéraire constitue une vraie renaissance, il faut que tous, nous continuons à écrire en français, à lire en français et à parler en français tous les jours. Les langues et les cultures n’ont pas d’existence propre ; elles n’existent et ne survivent que si elles sont pratiquées, protégées et transmises. Il nous faut être humbles, fiers, reconnaissants et présents. L’hymne national français, La Marseillaise, appelle aux armes, littéralement : « Aux armes, citoyens ! ». Pour nous-autres en Louisiane qui souhaitons préserver notre héritage linguistique, notre appel pourrait ressembler à cela : « Aux plumes, citoyens ! »