Quelques mois après cette visite, un ETI (Expert Technique International) est détaché sur la région Louisiane/Texas; Emmanuel Henriet est chargé de conseiller et faciliter les échanges d’idées, de savoir-faire, de technologies avec l’hexagone, dans le domaine de l’énergie, la transition énergétique et les enjeux environnementaux actuels et futurs. Nous nous sommes entretenus avec lui récemment pour savoir où en est le plus français des États nord-américains en matière de transition énergétique.
Du 3 au 6 novembre, LSU accueillera sur son campus de Baton-Rouge la 41e conférence nord-américaine organisée par l’USSAE et l’IAEE, où de nombreux économistes américains se réuniront pour discuter de la situation des marchés de l’énergie et comment ils envisagent le futur. En 2023, John Bel Edwards – alors gouverneur de Louisiane – soumettait un plan détaillé pour réduire à zéro les gaz à effet de serre d’ici 2050, afin d’aligner avec les engagements des accords de Paris qui engagent à une réduction drastique et continue des gaz à effets de serre qui contribuent à la hausse des températures et par conséquent au changement climatique et ses effets. Une des façons de diminuer ces émissions, comme l’explique Emmanuel Henriet, est d’électrifier autant que faire se peut l’industrie énergétique, en utilisant du gaz plus propre et également en développant les énergies renouvelables, via des sources de production électrique décarbonées.
De manière générale, ajoute-il, les États-Unis abandonnent progressivement l’usage du charbon dans leur mix énergétique au profit du gaz naturel (dont la Louisiane est un important producteur et “transporteur”, via son réseau de gazoducs et ses infrastructures de gaz naturel liquéfié pour l’exportation vers les marchés internationaux) et des énergies renouvelables. Comme le souligne Henriet, « le gaz naturel est quand même d’un point de vue émission de gaz à effet de serre, moins nocif que le charbon, mais il n’y a pas de recette miracle, il n’y a pas une seule et unique solution: il y a un ensemble de solutions qui sont différentes et qui s’adaptent à chaque région et à chaque zone, en fonction des ressources existantes et potentielles de chacune.»
Sur la Louisiane aujourd’hui, le gros du marché en terme d’énergie, c’est le gaz naturel, dont une part importante est exportée via gaz liquéfié vers certains pays qui en ont besoin, en Europe et en Asie particulièrement; il y a des « entreprises françaises qui contribuent énormément sur ce marché comme Total Energies, et d’autres, qui interviennent plus sur la partie technologique on va dire », ajoute-t-il, comme par exemple GTT. Cette société française possède un savoir-faire unique, et équipe plus de 80% des méthaniers dans le monde afin d’assurer leur étanchéité lors du transport de gaz liquéfié (le gaz, une fois refroidi à -160 degrés celsius, perd de son volume et peut être transporté sous forme liquide).
À l’heure où nous publions cet article, la Louisiane est le principal exportateur de gaz liquéfié des États-Unis; ce gaz venant à la fois du nord de l’État, de Pennsylvanie et du Texas.
Selon Henriet, « il faut profiter du savoir-faire existant et des installations déjà en place », et 71% des ouvriers du secteur de l’exploitation pétrolière en Louisiane possèdent des compétences qui peuvent être exploitées afin de transitionner et sur le long terme, pérenniser l’exploitation éolienne. Xodus Group, à la tête d’une collaboration entre The Pew Charitable Trusts, Greater New Orleans Inc., the Southeastern Wind Coalition et the Center for Planning Excellence, vient de conclure une enquête sur le potentiel des énergies éoliennes en Louisiane et la faisabilité d’étendre un tel projet de transition. Les conclusions de cette enquête sont très encourageantes; en effet, la Louisiane possède tous les atouts, qu’ils soient économiques, humains, de production et de distribution pour développer l’énergie éolienne dans le futur. « Il y a des formations qui sont mises en place, ajoute Henriet, entre autres pour développer les compétences dans l’offshore éolien, dans l’espoir que la Louisiane devienne une base de production pour le reste du pays. »
Cette étude montre que les moyens de productions sont adéquats et le savoir faire transférable pour mener ce projet a bien. De plus, ce projet peut s’appuyer sur plus de 175 entreprises locales et nationales, extrêmement compétentes sur le planning, l’installation et la distribution du pétrole et des gaz naturels dans le golfe du Mexique. Ces compétences peuvent être facilement et rapidement transférables vers l’exploitation de l’énergie éolienne. Plus encore, La Louisiane jouit de la présence d’une main d’œuvre spécialisée dans l’exploitation pétrolière offshore dont le savoir-faire peut être, lui aussi, traduit afin satisfaire la demande en termes d’exploitation éolienne. Henriet précise également que la Louisiane est riche en biomasse (matière organique renouvelable provenant de plantes et d’animaux), possède des laboratoires et toute une capacité de raffinage qui peut être adaptée ensuite pour les biocarburants (sustainable aviation fuel (saf) par exemple).
En ce qui concerne l’énergie solaire, la Louisiane n’en est qu’aux prémisses, mais compte bien devenir un leader en matière d’approvisionnement de panneaux solaires dans un avenir pas si lointain, non seulement localement, mais aussi au niveau national. First Solar est en train de construire une immense usine de panneaux solaires proche de Lafayette, qui deviendra le plus gros site producteur de panneaux solaires des États-Unis.
Les possibilités en matière de coopération technique et humaine entre la Louisiane et la France, et plus largement au niveau mondial, sont multiples et prometteuses. Pour un avenir énergétique plus respectueux de l’environnement et davantage autosuffisant, Emmanuel Henriet insiste cependant que les solutions à long terme d’un point de vue énergétique « passent forcément par une coopération internationale entre les pays, parce que si chacun fait à sa façon tout seul, on n’y arrivera pas. On a besoin de ces échanges internationaux, des apports de technologies, des échanges de savoir-faire, d’idées, de personnes, etc.».
Parfait exemple de cette coopération internationale, Henriet cite la conférence des Nations Unies sur les océans, qui aura lieu du 9 au 13 juin 2025 à Nice, en France.