Dans des domaines clés comme le travail, l’éducation, le commerce et, surtout, la culture, le recul de la langue française est un signal d’alarme pour l’avenir de la province. Ce déclin affecte non seulement la transmission de l’identité québécoise, mais aussi la place du Québec dans un monde où l’anglais est devenu la langue dominante.
Un déclin global du français dans la société québécoise
Depuis le début des années 2000, le français recule dans tous les secteurs de la vie sociale. D’après le Rapport sur l’évolution linguistique au Québec publié par l’Office québécois de la langue française (OQLF) cette année, la proportion de Québécois parlant principalement le français à la maison a diminué de 81 % en 2016 à 79 % en 2021, une tendance qui s’accélère. La région de Montréal, cœur culturel et économique de la province, est particulièrement affectée: seuls 51 % des résidents de l’île de Montréal parlent majoritairement le français à la maison, un recul de 2,6 points en cinq ans.
Ce déclin n’est pas limité aux foyers. Au travail, la part des Québécois utilisant principalement le français a chuté de 11 % depuis 1997 selon l’Analyse de la situation du français au Québec du commissaire à la langue française. Dans des secteurs dominés par les relations internationales et les technologies, comme la finance et les services professionnels, le français est souvent relégué au second plan. Dans ces industries, l’utilisation du français au quotidien a baissé de 10 à 15 points depuis le début des années 2000.
La culture : un pilier en péril
Le recul du français dans le domaine culturel est sans doute un des signes le plus alarmant du déclin de la langue, car la culture représente l’âme même de l’identité québécoise. La consommation de culture francophone, que ce soit dans la musique, le cinéma ou la littérature, est en baisse constante. Selon les dernières données de l’OQLF, la proportion de Québécois consommant principalement de la culture en français a chuté de 8 % depuis le début des années 2000. Dans des domaines comme la musique et les jeux vidéo, le public québécois se tourne de plus en plus vers des contenus anglophones.
Nous vivons actuellement une rupture inédite où la connaissance du français ne se traduit plus automatiquement par son usage comme langue de culture, de travail, ou de vie quotidienne. En effet, une grande partie des personnes qui préfèrent travailler, consommer de la culture, et vivre en anglais possèdent pourtant une maîtrise du français s’ils ne sont pas francophones. Cela impacte directement la vitalité de la langue et en réduit progressivement l’attractivité. Comme le souligne le commissaire Dubreuil, de plus en plus de jeunes grandissent sans aucun contact avec la culture québécoise, ce qui les rend naturellement moins attachés à la langue française. Ce détachement réduit leur inclination à utiliser, protéger et promouvoir le français, mettant ainsi en péril sa pérennité.
Pourquoi cette situation est-elle si préoccupante ?
La langue n’est pas simplement un moyen de communication, elle est le vecteur d’une identité collective. Dans le contexte québécois, le français est un héritage qui relie les générations et incarne une résilience face à un environnement anglophone dominant en Amérique du Nord. Ce recul du français dans la culture est donc particulièrement inquiétant, car il représente une perte de repères pour les jeunes Québécois. La culture n’est pas simplement un divertissement : elle est la base sur laquelle repose une identité distincte, un sentiment d’appartenance et une solidarité unique. Alors que la langue passe d’un vecteur culturel et marqueur puissant d’identité à un simple outil de communication, l’utilité de cet outil devient l’aspect le plus important à considérer dans l’affrontement entre l’anglais et le français. Dans le contexte nord-américain, où les francophones ne représentent qu’une très petite minorité, l’anglais est de loin la langue la plus utile.
La consommation de contenus culturels en anglais au Québec est également alimentée par les plateformes de diffusion en continu, comme Netflix et Spotify, qui privilégient majoritairement des œuvres anglophones. Les artistes québécois peinent à se faire connaître dans un environnement numérique qui valorise la production de masse en anglais. Les données montrent qu’en 2022, première année où elles sont disponibles, seulement 8,6 % des écoutes sur Spotify par les utilisateurs québécois concernaient des enregistrements en français. Quant aux ventes d’albums, la situation n’est guère plus favorable : la part francophone est passée de 33 % en 2017 à 23 % en 2021. Nous assistons ainsi à une véritable dégringolade de la culture francophone au Québec.
Un avenir incertain, mais un combat nécessaire
Le déclin du français au Québec représente bien plus qu’un simple changement linguistique. Il menace l’essence même de la culture et de l’identité québécoise, dont les répercussions se feront ressentir dans l’ensemble de la francophonie nord-américaine. Préserver le français, et par extension, la culture francophone, est un impératif pour maintenir la diversité culturelle dans une Amérique du Nord majoritairement anglophone.
Le Québec se trouve donc à un tournant de son histoire. Renforcer le français est un combat collectif qui demande un engagement de la part des citoyens, des entreprises, et du gouvernement. Les défis sont immenses, mais l’importance de ce combat est incommensurable. Un nouveau rapport sera bientôt publié, présentant les mesures recommandées pour inverser la tendance actuelle. Il est à espérer que le gouvernement aura le courage politique nécessaire pour les mettre en œuvre.